Mon expérience Backlash France

Mes impressions, mon analyse et mon expérience journalistique entourant ma couverture de WWE Backlash 2024.

[DISCLAIMER : Cet article comprend une retraduction en français de mon second article pour le média canado-américain Post Wrestling autour de Backlash France, publié le dimanche 5 mai, ainsi qu’un compte-rendu complet de mon expérience personnelle en amont et sur place.]

WWE Backlash France ou quand un show n’existe qu’à travers son public

Avec Backlash France, la WWE a encore réussi à profiter de la volonté d’un pays affamé de lui montrer de quel bois il se chauffe, quel que soit le repas servi.

Alors que je revenais de Backlash à Décines près de Lyon, un nouveau point d’orgue dans l’histoire de la WWE (et par extension, du catch) en France, je ne parvenais pas à savoir quoi en penser (derrière mes tampons partiellement explosés).

Une réussite manifeste

Oui, économiquement, ce weekend a été un véritable succès pour la WWE. Même sans avoir pu bénéficier d’un soutien public (à l’instar du premier Clash at the Castle à Cardiff en 2022 et de Backlash 2023 à Porto-Rico), étant donné que ni la métropole de Lyon (qui encadre les activités de Décines-Charpieu) ni la direction sportive de la région Auvergne-Rhône-Alpes ne lui a donné un centime. Pour preuve, aucune publicité touristique n’a été diffusée durant l’événement. En outre, hormis un magasin éphémère en plein centre-ville, la WWE était étonnement effacée à Lyon et à Décines ou dans les médias – il fallait déjà être un fan informé, pour savoir qu’elle y tenait un show. Et ce, d’autant que le promoteur de la WWE en France m’a confirmé que Paris était en effet le premier choix initial mais qu’il était impossible de réserver une salle pour quatre jours d’affilée (en comptant un jour de montage et un autre de démontage) à moins de cent jours des JO.

Et pourtant, des dires de la WWE, l’épisode de Smackdown a été le plus économiquement rentable de l’histoire de l’émission et Backlash en a non seulement fait de même mais a également constitué le show le plus rentable dans une « arène » (soit une salle d’environ 15 000 places ou moins). Encore faudra-t-il le vérifier compte-tenu des chiffres pour le moment communiqués (un peu plus de 12 000 personnes vendredi et autour de 11 600 samedi) et au regard des prix exorbitants des places et des produits dérivés. Mais, déjà, d’après le journaliste américain Brandon Thurston, les recettes de Backlash seraient d’environ trois millions et demi de dollars. Et, de fait, comme l’a indiqué le directeur du contenu, Paul Levesque (alias Triple H), l’a évoqué à la conférence de presse d’après-show, le président de la WWE, Nick Khan, est prêt à revenir en France dans une salle plus grande, voire un stade.

Et oui, s’agissant de l’événement en soi, l’atmosphère a parlé d’elle-même. Les fans français s‘étaient implicitement donnés comme mission de montrer leur valeur (au sens figuré et propre) et de surpasser l’énergie de leurs homologues porto-ricains l’an dernier. D’abord, lors de Smackdown, durant lequel Paul Levesque s’est amusé à partager sur X une photo prise par un spectateur, montrant un signal d’alerte de sa smartwatch le prévenant que le niveau sonore pouvait endommager ses tympans. Puis, avec Backlash, où les fans n’ont pas arrêté de chanter, scander et crier dès l’attente devant les portes de la LDLC Arena et jusqu’à quitter le tramway T7 de Décines. D’autant que les fans français (épaulés par des Roumains, des Italiens, des Espagnols, des Irlandais et même des Comoriens) ne sont pas seulement amusés pour se faire kiffer, ils ont répondu présent pour chaque entrée, chaque musique et chaque catchphrase de chaque talent.

Marketer une ambiance

Néanmoins, voilà peut-être le problème : le public était le show ce soir-là. Assis à deux ou trois mètres du ring, entourés d’autres représentants médiatiques, je ne suis pas parvenu à déterminer si j’étais en train d’assister à un mauvais show, à un bon show ou même à un show excellent. La foule, bien qu’elle n’avait pas l’intention de contrer ce qu’on lui présentait, n’a fait qu’apprécier intensément le moment (pour en créer un), sans se soucier des matches ou de leur narration. Cette ambiance est la seule chose que je parviens encore à retenir de mon expérience – sans encore vraiment dire si elle m’a laissé un souvenir positif ou négatif. La bagarre d’ouverture, opposant l’équipe de Randy Orton (reçu comme une mégastar, sans doute en partie du fait de son éminent statut durant l’âge d’or de la WWE à la télévision française, entre la fin des années 2000 et la moitié des années 2010) au Québecois Kevin Owens au duo-devenu-trio de la Bloodline (ici représentée par Solo Sikoa et Tama Tonga), n’a pas lésiné sur les couverts (ou la table, d’ailleurs) mais a entamé une série de matches où je ne pouvais m’extirper du sentiment d’assister à une forme glorifiée (et très bruyante) de house-show.

Chaque talent s’est évidemment donné corps et âme, au moins dans la majorité des cas. Mais le public n’était pas là pour cela, elle n’était pas là pour les histoires qu’ils tentaient de raconter, les émotions ou la tension qu’ils tentaient de générer. Encore une fois, il était là pour se complaire de ce moment historique, poussant Randy Orton, Bayler ou encore Jey Uso à jouer son jeu plutôt que de jouer le leur – à savoir, manipuler l’attention et les émotions de leur public, en leur imposant leur rythme et leur narration. La prédictibilité des issues de chaque match n’a évidemment pas aidé. Les tentatives de Jey Uso pour remporter son match de championnat contre Damian Priest constituent le seul moment où j’ai pu sentir que le public est sorti de son état de branlette collective (pardonnez-moi l’expression) pour vivre vraiment ce qu’il regardait. Dans la même idée, le main-event entre Cody Rhodes et AJ Styles incarne le seul instant où j’ai senti que les catcheurs tentaient véritablement de recentrer l’attention des fans sur leur match par leur narration sérieuse et leur performance athlétique.

En y repensant, il m’apparaît que la WWE ne semble elle-même pas vouloir s’encombrer à proposer une expérience narrative à ses clients, du moins tant que ces derniers paient leur billet au prix fort et mettent l’ambiance pour ensuite s’en enorgueillir à travers le monde, dans les médias et sur les réseaux sociaux. Et elle se facilite elle-même la chose, à dessein, lorsqu’elle se rend dans des pays assoiffés de telles occasions, comme la France, qui sont ainsi prêts à jouer le jeu jusqu’au bout pour s’enorgueillir eux-mêmes de leur propre fougue auprès du reste de la communauté internationale des fans de catch et dans l’espoir d’obtenir leur dose une prochaine fois.

La « globalisation » de son agenda, la WWE ne s’en cache pas. Que cela soit avec l’introduction vidéo très cartographique de Backlash ou des mots de Paul Levesque lui-même, c’est manifestement la direction qu’elle va continuer de prendre par la suite, d’abord avec un second Clash at the Castle en Écosse et Money In The Bank à Toronto, puis avec Bash in Berlin en Allemagne et bientôt (à en croire le succès du passage de la WWE à Bologne plus tôt cette semaine) en Italie, deux marchés eux aussi délaissés. Le tout en essayant, probablement, d’accumuler des « records » et des données économiques pour négocier, ensuite, des partenariats payants avec les autorités touristiques locales.


Compte-rendu d’une aventure journalistique

En décembre dernier, en plein cœur d’une vague dépressive, j’avouais que « participer à l’histoire du catch en France en assistant au premier show télévisé de la WWE dans l’Hexagone, avec Backlashà Lyon en mai, ne (m’enchantait) plus aussi indéniablement que cela aurait pu l’être – presque, devrait l’être – auparavant ». De toutes les façons, je n’étais ni intéressé par l’actuelle proposition artistique de la WWE, ni enclin à lui donner un centime de mon argent (les Saoudiens leur en donnent bien assez du leur), ni assez fortuné pour m’en octroyer une place (au prix oscillant, initialement, entre 180 et 2500 euros).

Mais fin janvier, quelques temps après l’ouverture de la billetterie, m’est venue une idée. Détenteur d’une carte de presse (privilège, loin d’être gratuit, de ma profession de journaliste spécialisé en environnement), je me suis lancé le défi d’obtenir une accréditation pour assister au moins à Backlash, le samedi soir, et couvrir la conférence de presse d’après-show (et on y reviendra). Pour cela, ne comptant sur mon humble blog ou ma qualité d’ex-Catchacasteur, il me fallait m’adosser à un média pour y parvenir. Et compte-tenu de l’étroitesse de l’espace médiatique francophone sur le catch, je n’allais pas trouver preneur en France. Me vint alors l’envie d’un autre défi : proposer de jouer les correspondants pour Post Wrestling.

Ce média web d’origine canadienne (mais également connu des Américains) a été fondée en décembre 2017 par John Pollock et Wai Ting, à la suite de la déprogrammation de leur talk-show Live Audio Wrestling (à l’antenne canadienne depuis 1997). Réputé pour ses critiques, le média s’est arrogé plusieurs acolytes, comme le journaliste économique américain Brandon Thurston (l’homme derrière Wrestlenomics), et pousse le bouchon journalistique du catch. Récemment, Pollock et Thurston ont par exemple participé à lever le voile sur plusieurs aspects cruciaux du business de la WWE mais également des faits entourant l’affaire de violences sexistes et sexuelles visant son ex-patron, Vince McMahon. Admirateur de leur travail, je souhaitais moi aussi leur apporter ma pierre à l’édifice, profitant de ma maîtrise de la langue et des acteurs locaux, avec un objectif en tête : comprendre pourquoi la WWE a préféré Lyon à Paris pour cet événement et savoir si oui ou non elle a bénéficié pour cela d’un quelconque soutien public.

Après un bref échange de mails, John Pollock me donne son feu vert. Dans le même temps, j’avais contacté préalablement le service communication de l’Olympique Lyonnais, club propriétaire de la salle concernée (la LDLC Arena), et l’Office du tourisme de Lyon, pour savoir à quelle porte sonner pour demander (et obtenir) l’indispensable accréditation presse. Chacun me redirige vers le promoteur représentant de la WWE en France (dont je tairais le nom) qui, à son tour, me met en contact avec un membre des relations presse de la WWE (idem), lequel m’envoie le formulaire attendu. J’aurais la réponse courant du mois d’avril me dit l’employé de Stamford. D’ici là, pour ne pas non plus m’endetter pour me rendre à Lyon le moment venu, je m’occupe évidemment de réserver un aller-retour en TGV et un AirBNB à mi-chemin entre la gare Part-Dieu et l’OL Vallée, le complexe sportif où se situe la LDLC Arena à Décines-Charpieu, 10 km plus long.

« On fait l’histoire ! »

Puis, en avril (à environ dix jours de mon échéance nécessaire pour me faire rembourser le tout), la WWE m’informe de mon accréditation presse (me prévenant que les informations et les autorisations pour mener des interviews ou participer à la conférence de presse seront communiquées à la dernière minute). De là, tout s’enchaîne. John Pollock m’invite à rédiger deux articles (l’un en amont et l’autre en réaction au show) et m’indique la compensation proposée (de quoi couvrir une partie de mon trajet), malgré ma volonté d’agir bénévolement connaissant leur maigre budget. Et je me mets à chercher à contacter toutes les personnes possibles dans deux optiques : l’une, pour tenter d’avoir la fameuse information recherchée (ciblant pour cela les différentes collectivités territoriales, entités administratives encadrant les activités locales et donc les budgets, de la ville à la région, en passant par la métropole et le département, mais également l’arène et son promoteur) ; et l’autre, pour glaner des points de vue suffisamment éclairés et pertinents pour dépeindre les implications actuelles et le contexte historique de l’événement (jouant de mon réseau, le catch étant après tout un petit monde). Et pendant ce temps, je me documente évidemment sur l’histoire de la WWE en France et je reste en alerte sur la moindre actualité concernant l’événement à venir, pour rester à jour. (Le saviez-vous ? Les membres de la « sécurité » mobilisés durant la bagarre ouverte à Smackdown par Randy Orton, Kevin Owens et la Bloodline étaient tous des catcheurs français, parfois démasqués … et John Cena est passé par la promenade des Anglais de Nice sans s’arrêter à Lyon.)

Le 26 avril, les premiers détails me parviennent : je suis autorisé à assister à Smackdown et à Backlash et à participer aux interviews vidéo de catcheurs (parmi lesquels, Damian Priest, Austin Theory, Grayson Waller, Bianca Belair et Naomi – all the stars !) dans un hôtel le jour du premier show. Comme ne pouvant me rendre le vendredi (y’en a qui bossent !), je troque ma place aux interviews à la chaîne (aussi surnommées, machines à contenu) pour me garantir une place à la fameuse conférence de presse. Place qu’on m’accordera seulement 24 heures avant Backlash. Ce même J-1, le communicant américain me fournit ma place presse (en ringside argent, à quelques mètres du ring du côté de la caméra plan-large, où les prix ont chuté de 900 à 300 euros … pour laisser plus de Français rentrer, sûrement) et m’explique la procédure … qui ne sera pas respectée.

A l’origine, il fallait impérativement imprimer son ticket (la sécurité de la LDLC Arena s’en moquait), se rendre d’abord à l’accueil extérieur de la salle pour obtenir un bracelet nécessaire pour prétendre assister à la conférence d’après-show puis rentrer par la porte de derrière réservée au personnel. Là encore, celui-ci n’était pas sur la même longueur d’onde et il m’a fallu, à mes sympathiques compères (trois étudiants en journalisme et un chroniqueur radio pour RTL) et moi, de faire la queue comme tout le monde. Bénéficiant d’un contact direct avec notre communicant, l’un de mes comparses lui demande de venir nous rejoindre pour nous expliquer la nouvelle procédure. Celui-ci nous a alors fourni nos bracelets et prévenu de quitter nos places dès l’instant où le dernier match se sera conclu pour être conduit à la conférence de presse (et ce, à l’endroit opposé qui nous avait été indiqué par mail).

Sur ce, le show débutant à 19h (après 30 minutes d’un pré-show vide, hormis pour le passage des légendaires Christophe Agius et Philippe Chéreau, véritables stars de la soirée), il m’a fallu simplement « enjoy the show » pour les trois heures suivantes (précisément). Du moins, si seulement je n’avais pas eu l’inconvenance d’être à deux rangs devant le fan de catch le plus raciste qu’il m’ait été donné d’entendre. Affublé d’un maillot de l’OL et d’un air benêt, le gus s’amusait à crier « Kirikou ! » ou « Jordan Bardella ! » à chaque apparition d’un talent noir (et ils étaient trois durant le show, toutes des femmes : Naomi puis le duo de Jade Cargill et Bianca Belair), scandant même un révoltant « Un genou à terre, comme pour George Floyd ! ». Excédé par ses vociférations, plusieurs d’entre nous l’ont signalé à la sécurité qui, prenant le temps que le message remonte aux oreilles du chef de service, se conclut par une simple remontrance (après tout, difficile de s’en prendre à un fan de l’OL quand on bosse soi-même pour le club, non ?). Fort heureusement (quoique plus accidentellement qu’autre chose), s’en suivit le main-event opposant deux athlètes bien blancs…

« Il est vraiment phénoménal ! »

Vint enfin le moment pour nous (le « bloc média ») de filer au véritable main-event de la soirée. Nous avons été ainsi conduit en coulisse, zigzaguant dans plusieurs couloirs et croisant à l’occasion un Bobby Roode (ex-catcheur travaillant désormais en qualité de « producteur » des matches) vêtu de son costume et une valise en main prêt à quitter les lieux mais aussi un Kevin Owens suant en pleine discussion franco-québecoise avec Alex Schneider (arbitre de l’APC) et un certain Aigle Blanc démasqué. Arrivant devant la salle de conférence, on nous a signifié de garder nos mobiles en poche et de ne pas hésiter à poser nos questions en français pour donner un « ton international » à l’occasion. Aucune de ces deux règles ne seront respectées mais qu’importe, Christophe Agius (non loin d’un autre Français, le catcheur Tom La Ruffa, au fond de la salle) était là pour traduire ceux qui joueront le jeu. Bardée de lumières, de caméras, de communicants et de kakemonos, la salle de presse n’avait pas été pensée pour les plus agoraphobes ou claustrophobes et sentait bon, outre la sueur, le show avant tout.

Me concernant, je m’étais préparé à interroger uniquement Paul Levesque (à la fois pour laisser du temps de parole à mes « confrères » auprès de Belair & Cargill puis Cody Rhodes en amont, et à la fois parce qu’il était le seul en capacité de commenter les sujets qui m’intéressaient). Si les questions possibles étaient nombreuses, je m’étais fixé à deux axes que je vous livre (car il faut toujours tenter de demander plus que ce que votre interlocuteur se dit prêt à vous donner, mais qu’il faut bien choisir et ne pas en demander trop quand même) :

  • Pouvez-vous confirmer que Paris était le lieu de ralliement initial ? Si oui, pourquoi avoir choisi Lyon ? Et s’agissant d’un éventuel retour en France à l’avenir, comptez-vous y ajouter la condition d’un partenariat financier à l’image des shows à Cardiff ou Porto-Rico ?
  • Ce soir, la WWE a accueilli un nouveau venu (en écho à l’arrivée surprise de Tanga Loa, frère de Tama Tonga), mais plusieurs médias américains ont signalé des départs cette semaine. Pouvez-vous les confirmer en ce qui concerne Gable Stevenson (ex-lutteur olympique), Drew Gulak (accusée par l’ex-catcheuse, Ronda Rousey, d’agression sexuelle) et Brad Blum (ancien cadre exécutif, impliqué dans l’affaire Janel Grant contre Vince McMahon) ? Et pouvons-nous en connaître les raisons ?

Malheureusement, et c’est le jeu, je n’ai eu aucune occasion de les poser (le premier rang ayant eu notamment plus de faveur aux yeux des organisateurs). Du reste, il suffit de suivre le replay consacré … ou presque. Et comme vous le pourrez

Comme je l’ai signalé à un certain Trevor Dame sur X, podcasteur qui s’attelle à suivre et analyser chacune de ces conférences de presse, j’ai été véritablement choqué par sa conclusion. Depuis que la WWE a adopté ces fac-similés de conférences simili-sportives initiées par l’AEW dans le domaine, elle a été la plus enclin à en faire une contrefaçon, un simple contenu supplémentaire pour agripper encore un peu ces téléspectateurs et pour diffuser sa communication et répandre les messages les plus positifs possibles. Et j’en prends évidemment pour preuve l’ultime question posée courageusement par Lucas Charpiot, jeune journaliste sportif indépendant (concernant le départ, confirmé, de Drew Gulak et son lien avec les allégations de Ronda Rousey). Non seulement la question, la seule sérieusement d’ordre journalistique de la conférence, a été balayée d’un revers de la main par son interlocuteur – comme il en a malheureusement le droit, quoique se souciant avant tout de ne pas entacher la positivité toute américaine et corporatiste de la communication approvisionnée jusque-là. Mais elle a été aussi, et c’est surtout en cela que l’incident m’a choqué, dénoncé verbalement par plusieurs autres participants à la conférence de presse.

En sortant de la salle, j’ai entendu certains d’entre eux s’insurger que « nous ne nous devons pas de poser de telles questions à Triple H à une telle occasion », démasquant leur loyauté malsaine de fan, dévoyant le sens même « d’une telle occasion » et, par la même occasion, installant un dangereux précédent validant inconsciemment la contrefaçon élaborée par la WWE. Je n’avais jamais vécu une conférence à l’atmosphère autant orwellienne. Et je crois savoir, humblement, de quoi je parle. En tant que journaliste pour le média Actu-Environnement, j’ai évidemment assisté à des dizaines de conférence, dont un certain nombre aux ministère de la Transition écologique ou de l’Économie et à l’hôtel Matignon. Et si la langue de bois est aussi de sortie lors de ces rassemblements, une règle tacite peut être aisément décelée : en tant que groupe, et quel que soit leur média, les journalistes ont tendance à soutenir (même silencieusement) toute tentative de leurs homologues à questionner et à gratter même des coins inutiles, opaques, sombres ou controversés de vérité. Comme je l’ai commenté à Trevor Dame : « Comment peut-on espérer instiller la moindre dose de journalisme durant ces conférences factices lorsque même les ‘médias’ présents sont prêts, inconsciemment ou non, à s’autocensurer ou à censurer les autres en fidélité à leur interlocuteur ? »

D’autant, que les « médias » en question se composaient en majorité, à vrai dire, d’influençeurs et vidéastes voués au « produit » qu’ils relaient. Un fait qui n’a rien d’anodin comme on connaît la pauvreté de médias spécialisés sur le catch en France (ou dans d’autres pays voisins) et la sécheresse de son traitement par des médias traditionnels (sportifs ou généraux). Rien d’anodin parce que, comme elle se sert à mon sens de la soif presque dépendante des fans locaux, la WWE se satisfait bien évidemment de l’incompétence, de l’ignorance et de la bienveillance biaisée de ceux à qui elle a à faire sur place, ainsi d’autant plus susceptibles de diffuser sa propagande. Until next time …

Réponses

  1. Merci beaucoup pour ce retour d’expérience.

    Tu soulèves beaucoup d’éléments très intéressants qui mènent à plusieurs réflexions:

    1/ En regardant smackdown et backlash à la tv avec forcément des biais, j’ai eu l’impression que le public, abreuvé aux house shows depuis 15 ans, conservait les codes des dits house show pour ces émissions destinés à la tv ce qui peut expliquer une partie du décalage

    2/ Le phénomène de la foule qui fait le show me fait penser à certains RAW post-wrestlemania, il y a effectivement un peu de ça dans le public français (sans pour autant aller dans l’excès de la beach ball et se déintéresser totalement du show), mais peut on reprocher à nos foules sentimentales leur excès dans la mesure où par essence le catch est un spectacle excessif  comme l’écrit ce cher Roland ?

    3/ A l’heure des réseaux sociaux, du narcissisme de masse c’est bien « procurer des émotions » et l’ »expérience » racontée par les médiums que sont insta, tiktok, YT, twitter, qui seront la clé du succès du catch de demain. La WWE a fait le choix de la « netflixisation » et non celui de l’art de raconter un combat par des prouesses athlétiques (sans cela Takeshita et Ospreay seraient des draw). La WWE pourrait aller plus loin un peu sur le modèle du théâtre immersif (c’est le sens du WWE expérience),et dans le marketing « le client est roi ».

    4/ La foule a donc fait le show, pour le plus grand bonheur de plusieurs superstars comme Bayley (qui avait poussé pour les shows tv), Orton (qui profite de ses dernières années à fond), Jey Uso et bien d’autres qui ont emmagasiné ces ondes favorables. Je m’interroge sur le for intérieur de Kevin Owens qui comme beaucoup de québécois connait les excès des français et AJ Styles (qui aurait un peu molesté Nadir M en house show à Aix en prenant une chaise, ce qui a valu des excuses de la part de Byron). La foule était énergique, positive mais aussi avide et ivre de sa propre gloire magnifiée par les réseaux sociaux. cet aspect n’est pas que français puisque tu parles de Porto Rico, les italiens ne sont pas en reste et les chiliens ont également la réputation d’être bruyants. La WWE va alimenter cette course à l’échalote où la foule elle même sera le spectacle bien avant les histoires racontée ou la carte présentée. C’est peut être une conséquence de l’apathie du public américain dans les sports.

    5/ Sur le journalisme et la WWE, tu pointes qqch de fondamental : la plupart des journalistes du monde catchesque sont aussi des fans qui ne veulent pas écorner un produit qu’ils jugent mal aimé et méprisé. Ce ne sont pas les journalistes spécialisés qui ont sorti l’affaire des VSS de Mc Mahon mais le WSJ, ce ne sont pas les journalistes spécialisés qui ont pointé le comportement de Drew Gulak mais Ronda Rousey, ce ne sont pas les journalistes spécialisés qui ont libéré la parole des femmes dans l’indy mais twitter. J’en veux également pour exemple les réactions outrées au reportage sur WrestleMania des équipes de Quotidien, alors oui le ton était sarcastique mais ce que j’ai surtout retenu c’est l’entrevue du Rock à FOX NEWS qui appelle implicitement à voter Trump en ne soutenant plus Biden tout en s’en prenant au « wokisme » et à la « cancel culture » (doit-on rappeler que Dwayne et John C sont les seuls qui parlent encore à VKM selon un média non spécialisé NBC ? Je m’interroge aussi sur cette prise de position par rapport au board de TKO sachant qu’Ari Emmanuel est un démocrate assumé dont le frère a été chef de cab d’Obama).

    La question de Lucas Charpiot (de Ten Count media) était courageuse et j’espère qu’il y aura de plus en plus de journalistes professionnels spécialisés catch en plus de Lucas C ou de Bernard Colas, car leur mission est essentielle et différente des influenceurs et des youtubeurs. Il est parfois difficile de sortir de sa posture de fan concernant la WWE, j’en conviens .

    6/ Sur les partenariats avec les collectivités la WWE ne doit pas bien connaitre la situation financière des collectivités françaises, ce n’est pas l’Arabie Saoudite ! Je vois mal d’ailleurs des métropoles dirigées par les écologistes signer ce genre de partenariats mais plutôt des municipalités , départements ou métropoles gouvernés par certains socialistes, Renaissance, ou LR c’est justement le cas d’Aix en Provence dont l’Arena vient juste de revenir dans le giron de la ville. Il est d’ailleurs de notoriété publique que cette Arena inaugurée en 2017 a des problèmes de remplissage, même si j’ai profité d’un show très sympathique, je m’interroge pourquoi si près de Lyon ? Pourquoi prendre le risque de ne pas remplir la salle (le prix des places était bien plus abordable) ? Quoiqu’il en soit la WWE prend l’Europe pour son autre vache à lait sachant qu’elle semble paradoxalement renoncer aux marchés indiens et chinois et néglige à mon sens le marché sud américain.

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  2. Merci pour cet historique !

    Il y a bien eu un énorme hiatus de la WWE de 1993 à 2007 avec le show test du Zénith (comme l a rappelé Norbert Feuillan). Cet énorme hiatus est explicable à la fois à cause de la WWE en difficulté se repliant sur les USA et par la montée en puissance de la WCW (avec en point d orgue l arrivée de Nitro avec Marc Blondin et Letourneur sur canal en 1997. Il faut noter qu au sommet de sa gloire la WCW n est jamais venue dans l hexagone. De mémoire la seule autre compagnie américaine de taille raisonnable qui soit venue en France c est la TNA et son maximum impact tour en 2010 et 2011 (pour de très bons shows, Dixième Carter était presente)

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