Chaque mois, L’Exception Catchesque vous propose « Monthly New-Japan » (en écho au célèbre magazine japonais spécialisé, Weekly Pro-Wrestling), une chronique portant un regard alternatif sur l’actualité de la New-Japan Pro-Wrestling.
La New-Japan n’a pas chômé en préparation du G1 Climax 29 ! Elle a rappelé Chris Jericho, donné un nouvel exutoire à Jon Moxley (Dean Ambrose à la WWE), replacé Will Ospreay sur son trône et même engagé KENTA, l’ancien visage de la Pro-Wrestling NOAH démoli par la WWE. Mais ce mois-ci, aucun de ses sujets aussi enthousiasmants les uns que les autres ne figure au menu … mais plutôt le retour aux affaires rassurant et tant attendu d’une star oubliée.
Le réveil d’un volcan au sommeil forcé
C’est l’histoire d’un faux-départ et d’un bouquet final avorté. A bientôt 37 ans, Tetsuya Naito s’éloigne un peu plus chaque jour de son apogée physique, créative et donc réputationnelle. La fenêtre d’opportunité, pour la NJPW, de l’exploiter à la mesure de l’attente des fans et de son talent (tant qu’il peut encore l’exercer pleinement), s’amenuise elle aussi.
Naito n’en est plus à sa première embuche. En 2011, la New-Japan avait voulu précipiter son triomphe, essayant de le positionner au-dessus de son nouveau prodige en gain de popularité, Kazuchika Okada, et de ses top-stars établies encore bien vigoureuses, Hiroshi Tanahashi et Shinsuke Nakamura. Comme, contrairement à la WWE (*tousse* Roman Reigns *tousse*), elle apprend vite de ses erreurs et de ce que son public pense, elle a rapidement noyé le poisson Naito. Ce fut ensuite à lui de s’éloigner, de se retrouver et de se transformer pour reconquérir l’intérêt des fans japonais et l’attention des dirigeants de la compagnie.
C’est l’histoire d’un faux-départ et d’un bouquet final avorté.
En devenant une version nihiliste, anti-autorité et anti-fan de lui-même à son retour, Tetsuya Naito – et ses Ingobernables – avait réussi à prendre sa revanche. Si bien qu’en 2016, il pouvait se targuer d’être le catcheur le plus populaire du Japon. Même un règne éphémère en tant que champion du monde poids-lourd IWGP, jugé trop court, ne réussit alors à entraver son état de grâce enfin mérité. L’année d’après, quand il fut une nouvelle fois couronné vainqueur du tournoi G1 Climax, sa popularité touchait encore les étoiles.
A Wrestle Kingdom 12, au début de l’année 2018, il était fin prêt à renverser l’histoire. Cette fois, il avait une légion de fans derrière lui et un attrait commercial spectaculaire. Mais là encore, son couronnement lui fut refusé. La New-Japan voulait alors propulser son expansion internationale au niveau supérieur, voyant en Kenny Omega un porte-drapeau plus adéquat. Depuis, Tetsuya Naito se perd petit à petit dans les limbes d’une écurie grandissante de catcheurs – et de top-stars potentielles. La compagnie lui préfère les jeunes SANADA et EVIL, pourtant ses frères d’arme, l’attraction d’une tête d’affiche reconnue comme Chris Jericho ou d’un autre chouchou du public aux années tout aussi comptées tel Kota Ibushi.
DOMINION 2019 : un nouveau tournant ?
L’édition 2019 de DOMINION, le second plus important événement annuel du calendrier de la NJPW, n’augurait rien de mieux pour un ‘Stardust Genius’ dans le brouillard. Sa promesse d’unifier les titres de champions Inter-Continental et poids-lourd IWGP ne parvenait pas à faire illusion sur sa situation. La NJPW semblait s’en être définitivement désintéressée et son armée de fans, dans une moindre mesure, elle aussi. Face à la volonté d’un Kota Ibushi bien portant (grand talent du même âge au temps imparti peut-être encore plus réduit) de faire de la New-Japan sa maison pour le reste de sa carrière, plaider encore la cause d’un Tetsuya Naito régnant sans partage n’était plus une priorité.
Mais à DOMINION, pour la troisième fois contre ce même Ibushi en quelques mois, Tetsuya Naito est parvenu à renverser la tendance. Non seulement a-t-il vaincu, de manière décisive, son rival et lui a repris cette ceinture à la lueur dorée et au cuir blanc qui n’a jamais vraiment cessé de le quitter, mais il a aussi repris le dessus sur l’opinion du public à son égard. Jusque là poissard à DOMINION, organisé chaque année à Osaka, il semble enfin s’être réveillé de sa torpeur déprimante.
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D’office, le public d’Osaka – historiquement en sa défaveur, mais qu’il avait reconquis il y a quelques années – s’est montré complètement acquis au champion entrant, Ibushi, ignorant presque la présence même de son challenger, Naito. Ce choix collectif, ce dernier l’a alors reçu comme un défi : très rapidement, le leader de Los Ingobernables de Japon se la joue arrogant et provocateur. En un instant, il suscite de virulentes huées des 12 000 spectateurs de l’Osaka Jo-Hall, qui enfin le remarquent. Et cela le fait sourire.
Contrairement au fiasco de 2011, qui l’avait rendu impuissant face au rejet massif du public, il en a vu d’autres. Mieux encore, il se repaît d’une telle ambiance. C’est en la renversant à son avantage, qu’il en avait une force et qu’il avait même réussi à convaincre ses détracteurs de le soutenir en 2016 puis en 2017. Avec ce nouveau venin qu’il reçoit, il sait alors qu’il va pouvoir tenter de renaître de ses cendres.
Contre Ibushi, l’incarnation même du chevalier blanc, charmant, émouvant et toujours vaillant, il se place en horrible personnage : il bloque, il griffe, il crache, il moque. Bientôt, il contre, inverse et renverse. Après la plus dévastatrice des German Suplex portées sur un coin de ring, il reprend l’ascendant et domine. Face à son efficacité et sa détermination, le public d’Osaka revient petit à petit vers lui – d’abord par respect et par reconnaissance, puis par admiration et par passion. Les chants scandés pour Ibushi rebondissent face à l’écho de ceux, bien intentionnés, dirigés vers Naito. Tant et si bien qu’une fois le Destino final porté et la victoire octroyée, nombreux sont les spectateurs à saluer son exploit. Les milliers de fans, en transe, scandant encore son nom lors des années précédentes sont encore loin mais restent à portée.
Pour entériner ce sentiment de réveil, Tetsuya Naito joue les conquérants, écrasant le plat de son pied sur le crâne de Kota Ibushi à sa merci. Avec ce geste, il signe une nouvelle déclaration, une nouvelle transformation. Du refus de la New-Japan de l’envoyer dans la stratosphère, il s’est enfin rappelé qu’il ne pouvait plus compter que sur lui-même. Il a compris que lancer des belles promesses d’unification et de grands accomplissements ne suffiraient pas à garder le soutien nécessaire pour y arriver. Et surtout, de la persistance des Hiroshi Tanahashi ou de l’émergence des Kota Ibushi et autres Shingo Takagi ou même KENTA, il a aussi compris la place qui devait désormais être la sienne : celui du briseur de rêves. A présent, que les fans le veuillent ou non, il ne laissera plus rien ni personne partager l’affiche ou retarder ses rêves. Dans l’amour ou dans la haine, il se frayera un chemin vers les étoiles. Dans ses conditions, la NJPW n’aura plus peur qu’il ne remplace son bel Okada ou son brillant Kota – puisqu’il en sera l’exact opposé.
Tetsuya Naito s’est enfin réveillé et débarrassé de ses désillusions. Wrestle Kingdom 14, parties 1 et 2, le voilà !
P.S. : Quelqu’un sait où est passé Hirooki Goto ? Je crois qu’il a oublié de se réveiller …
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