La fin de l’insouciance

En tentant de « se défendre » au nez et à la barbe du monde du catch, CM Punk nous a tous manqué de respect. Serait-ce la triste fin d’une année miraculeuse ?

Le 26 octobre, durant un épisode de Dynamite, l’AEW a diffusé la vidéo ci-dessous. Celle-ci, effaçant à la manière d’un Retour vers le futur les souvenirs de Kenny Omega et des Young Bucks dans la compagnie depuis sa création, signale très clairement le retour imminent du trio mis de force sur le banc de touche au lendemain d’All Out 2022 il y a près de deux mois. Et des dires du célèbre journaliste spécialisé, Dave Meltzer, cela signale également que l’enquête interne, menée à la suite de l’échauffourée parallèle à la conférence de presse du dit show, est arrivée à son terme. « Je crois que le résultat de l’enquête est assez clair au regard de qui est sur le retour et qui ne l’est pas. » Traduction : CM Punk (et son ami Ace Steel, déjà licencié) s’est mis à dos la direction et ses collègues, autant par ses propos tenus devant les caméras que par ses actions derrière, et n’est pas prêt de revenir à l’AEW.

Dans le détail, CM Punk serait en train de récupérer d’une déchirure du triceps, survenue lors de son match contre Jon Moxley à All Out. Comme cette récupération devrait lui demander plusieurs mois, il n’était quoi qu’il arrive pas prêt de remonter sur le ring. Cela étant, la dernière rumeur en date affirme que Tony Khan serait en train de négocier avec lui pour déjà mettre fin prématurément à son contrat (de trois ans pour trois millions de dollars par an, semble-t-il), ce qui obligerait la compagnie à le dédommager lourdement.

Telle est la réalité froide et factuelle de la situation actuelle. D’aucuns diront que le vieux Phil l’a mérité, qu’il a dépassé les bornes et qu’il ne fait plus bon faire partie du vestiaire de l’AEW ou de n’importe quel autre vestiaire de catch. Après tout, Phil Brooks est un grand garçon : ces choix – de jouer réellement des poings avec ces collègues, de s’en prendre au monde entier devant la presse spécialisée (et son boss médusé) ou même de s’octroyer la liberté de coincer verbalement Adam Page quelques semaines avant sans craindre de représailles managériales – sont les siens. Lui demeure la liberté de les faire et de les assumer jusqu’au bout sans prendre en compte l’ombre d’une quelconque responsabilité au-delà de sa propre existence.

Très personnellement, et parce que je reste un fan avant tout, je ne parviens pas à avaler cette pilule d’objectivité et à me détacher de mon égoïste subjectivité. Tout cela me rend profondément triste. Si j’osais exagérer (et puisque je l’écris, j’ose), je dirais que mon petit cœur de fan s’est brisé après ce que certains surnomment déjà « brawl out. »

Je n’arrive absolument pas, comme un nombre grandissant d’autres aficionados, à dresser le bilan « légendaire » de sa première (et « dernière ») année à l’AEW et à l’imaginer s’abaisser à accepter la proposition juteuse et hypocrite de la WWE version HHH de revenir « à la maison. » Il m’est impossible de tourner la page … et d’en faire le deuil.

La fin de l’innocence

Avant qu’il se contente encore de faire circuler des accusations à l’encontre du trio cofondateur de l’AEW pour les culpabiliser aux yeux du public (comme celle affirmant que leur bagarre aurait coûté trois dents à son chien Larry), CM Punk était plein d’éloges pour la compagnie et l’année qu’il avait passé à travailler pour elle. Dans une interview donnée juste avant All Out, l’ex-double champion du monde avait même hâte d’entamer sa deuxième année en fanfare. Durant sa (tristement) fameuse diatribe après l’événement, il n’a proféré aucune critique directe à l’égard de la compagnie et semble apprécier ses relations avec d’autres collègues (comme Danhausen, dont il confie avoir emprunté les bottes en urgence ce soir-là).

En somme, avant l’incident lui-même, CM Punk ne paraît pas s’être fixé l’objectif de saborder volontairement sa carrière à l’AEW. Comme souvent au cours de sa vie, semble-t-il, il a été piqué au vif parce qu’il s’est senti la cible d’un profond manque de respect – à plusieurs égards, se mélangeant dans un cocktail aussi toxique qu’explosif – et, fatigué physiquement par sa performance et sa blessure, s’est juste permis d’ouvrir les vannes – de la manière la moins professionnelle possible.

A ce moment là de mes propres élucubrations, je serais tenté d’en venir à la conclusion suivante : CM Punk, s’il n’aurait jamais dû agir ainsi, avait ici des circonstances atténuantes auxquelles le reste du monde du catch semble aveugle. Mieux encore, en laissant faire par volonté ou par négligence, Tony Khan lui-même s’avère tout autant coupable de cet imbroglio. Après tout, n’a-t-il pas soutenu, mordicus, lorsque Punk a commencé à prendre ses libertés à l’écran ou quand Eddie Kingston et Sammy Guevara s’en sont pris l’un à l’autre, qu’il était prêt à laisser ses catcheurs se chercher réellement des noises sur son propre temps d’antenne même au détriment de ses propres « storylines » ?

Trompé par sa soif de promotion et aveuglé par les apologies parfois trop conciliantes de la presse à son égard, Tony Khan a laissé faire. A tel point que, mis devant la plus grosse bombe médiatique de sa carrière, il en est resté totalement pantois, comme impuissant devant le venin craché par sa plus grosse star en direction de ses plus estimés subalternes ! Si la culpabilité de l’incident de « brawl out » repose bien sur les épaules de CM Punk, sa responsabilité repose tout autant sur la douce arrogance de Tony Khan de penser tout pouvoir maîtriser et plutôt sur son incompétence à cerner le problème en amont, comme n’importe qui d’autre, et à agir avant qu’il n’éclate littéralement devant ses yeux.

La fin d’un état de grâce

Cependant, il ne s’agissait pas de ma conclusion. Cette indignation n’est que la face émergée de mon iceberg de désarroi. Car le mal est fait … Pas tant à CM Punk, à Tony Khan ou à l’AEW. Pour les deux premiers, bien qu’humains et probablement affectés psychologiquement d’une manière ou d’une autre par l’incident, ils s’en sortiront : chacun conserve une influence et un compte en banque immenses. Pour la dernière, l’incident signale, certes, la fin définitive de son état de grâce. Néanmoins, elle a déjà su rebondir en misant sur d’autres piliers plus stables et ne semble pas avoir, pour l’instant, trop perdu au change : si la fréquentation baisse dangereusement depuis quelques mois, les audiences n’en souffrent pas. Quand je dis que le mal est fait, je parle évidemment des fans qui, comme moi, se sentent profondément lésés. Car, qu’on le veuille ou non, CM Punk reste encore clairement au-dessus du lot à l’écran et nous promettait encore de très belles heures inédites de catch et d’émotion.

En tentant impunément de « se défendre », CM Punk, blessé dans son orgueil, nous a tous manqué de respect. L’espace d’une conférence de presse, il s’est montré sous son jour le plus égoïste : il n’avait que faire du regard ou du sentiment de ses fans, tout ce qui lui importait était de régler publiquement ses comptes, sans se soucier des conséquences. Que cela puisse se faire au détriment de ce qu’il aurait pu encore (et, à cet instant précis, j’ai l’envie de le remplacer par « dû ») nous offrir, lui était complètement égal. Lui, ce leader, cet auteur enfin libéré du fardeau de l’exil, de la rancœur et des remords, nous a laissé pour compte. Certes, s’il a initialement repris le catch, c’était avant tout pour son bon plaisir (et au bon prix) mais, quelque part, il l’a fait également pour (et avec) nous : c’est parce qu’il savait que nous, simples fans, étions capables de lui offrir la communion et l’amour indéfectible qu’il a cherché toute sa vie qu’il s’est accordé cette bouffée d’air frais dans le brouillard d’orgueil malmené que semblait être sa vie.

Désormais, à moins d’une miraculeuse remise en question et d’une preuve d’humilité nouvelle, Phil Brooks ne se permettra jamais de revenir en arrière, d’enterrer la hache de guerre et de repartir du bon pied (non, pas celui là). Après tout, Phil n’a jamais vraiment eu le pardon facile. Et le simple fan, noyé dans sa tristesse lunaire, que je suis risque de ne plus l’avoir non plus …


Un digestif positif…

Hormis tout ce merdier, je suis heureux du retour prochain de Kenny Omega et des Young Bucks. Avant All Out, le destin nous avait déjà privé de la merveille mondiale qu’est Omega pendant neuf longs mois. Il est temps de pouvoir nous laisser profiter à nouveau de ses fabuleux talents ! Et cette fois, Tony Khan ne doit pas jouer les timides : ne perdons pas de temps en anticipation ou en dilatation. Kenny doit nous offrir le maximum de « dream matches » possibles pendant qu’il est encore temps et en forme (ceux que Punk ne pourra, de toute évidence, pas nous proposer) : vs. Bryan Danielson II, vs. Hangman Page III, vs. Moxley IV, vs. Adam Cole, vs. Samoa Joe, vs. Miro, vs. Malakai Black, vs. Eddie Kingston, vs. Claudio Castagnioli, vs. Ricky Starks, et tous les autres ! Quant aux frères Jackson, qu’ils reprennent leurs rôles : structurer cette division par équipe devenant doucement de plus en plus frêle et accorder un troisième opus dantesque face à FTR !


PS – 03/11/2022 : A la lecture d’un article publié sur Post Wrestling, je me rends compte d’un énorme oubli dans mon propre papier : MJF. La diatribe de CM Punk se révèle d’autant moins professionnelle et altruiste qu’elle oblitère complètement ce à quoi ALL OUT 2022 était censé servir : faire de Maxwell Jacob Friedman LE sujet incontournable de la soirée. D’autant que son limogeage l’empêche de passer le flambeau à son cadet, in fine (et ainsi commencer à moins gagner sur le ring, aussi, peut-être ?). Même si Punk aurait quand même été blessé et donc aurait forcé quoi qu’il en soit un remaniement narratif et organisationnel, MJF aurait quand même pu tourner les choses beaucoup plus facilement en sa faveur et, pourquoi pas, même faire saliver les fans sur un Punk vs. MJF avec quelques mois d’avance. Heureusement pour lui, MJF reste véritablement un talent à part et demeure le focus des programmes de l’AEW.

Réponses

  1. Cette analyse n’a pas vieilli d’un iota et je ressens à peu près la même chose ! On a dû mal à comprendre la spirale dans laquelle s’est enfermé Phil Brooks qui fait que son retour dans le catch s’est en fait avéré un « accident industriel » effaçant même sa belle rivalité avec MJF. Puisse t il trouver un peu de paix à l’avenir

    Aimé par 1 personne

    1. Merci Erick pour votre commentaire et pour sa justesse !

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