Pourquoi la NJPW doit se débarrasser de la ROH

Kazuchika Okada, grand gagnant du show G1 Supercard de la NJPW et de la ROH au Madison Square Garden.

Prédiction : G1 Supercard, un événement collaboratif révolutionnaire dans l’histoire du catch, va marquer la fin de l’alliance entre ses organisateurs, la NJPW et la ROH.

 Chaque mois, L’Exception Catchesque vous propose « Monthly New-Japan » (en écho au célèbre magazine japonais spécialisé, Weekly Pro-Wrestling), une chronique portant un regard alternatif sur l’actualité de la New-Japan Pro-Wrestling.


Entre WrestleMania 35 et NXT TakeOver : New-York proposés par la WWE, et les vingtaines de shows indépendants organisés autour en l’espace de quelques jours, il est parfois difficile de se démarquer du lot pendant le « WrestleMania Week-End », la fin de semaine la plus importante de l’année pour le monde du catch. Mais s’il y avait bien un événement qui se devait de faire bonne impression et de remplir sa promesse historique, c’était G1 Supercard. Plus ambitieux projet collaboratif de la NJPW et de la Ring of Honor sur le territoire américain, il représentait un accomplissement révolutionnaire dans l’histoire du catch : celui de la réussite du premier show non-WWE au Madison Square Garden, la plus célèbre des salles de spectacle au monde et depuis des décennies, fief incontesté (et monopolisé) de la compagnie susnommée.

Une telle historicité (surfant subtilement sur celle d’ALL IN, premier événement majeur de catch strictement indépendant) avait suffi à séduire les quelques 16 000 fans du monde entier venus assister à l’événement. Les deux compagnies organisatrices n’étaient donc, dès le départ, plus obligées de se démener pour promouvoir le show du siècle. Et pourtant, soucieuses de tenir leur promesse, la NJPW a affrété ses plus grandes stars et proposé des confrontations de grande envergue et la ROH … n’a pas tout à fait suivi l’exemple.

Dès l’annonce de la carte complète de G1 Supercard, malgré le statut de leader historique de la scène indépendante américaine de la ROH, les futurs spectateurs sentirent qu’ils allaient devoir faire la part des choses pour passer une bonne soirée. Après tout, les fans de catch en ont vus d’autres, bien pires. Cependant, cette soirée ne devait être n’importe laquelle, elle promettait de marquer l’histoire, de montrer la force des alternatives au béhémoth de Vince McMahon et démontrer la pertinence de l’alliance NJPW-ROH face à l’émergence prochaine de l’All-Elite Wrestling, la reine autoproclamée du contre-courant.

Résultat : Meh … Et sans l’ombre d’un doute, la faute à la Ring of Honor.

G1 Supercard : La collaboration de trop

Jay Lethal fait son entrée à G1 Supercard au Madison Square Garden.

G1 Supercard devait être la compilation du meilleur des deux mondes mais, en fin de compte, ce « super cross-over show » ne nous a proposé que le meilleur d’un des deux. Tandis que le gagnant de la plus grande New-Japan Cup a repris son titre de champion du monde poids-lourd perdu il y a près d’un an (invalidant ma prédiction du mois dernier) et, par la même occasion, a enfin vaincu sa némésis, Jay White, la Ring of Honor a choisi d’ignorer une nouvelle occasion de couronner Marty Scurll, dernier membre de The Elite encore dans son roster et chouchou des fans, pour privilégier encore une fois la consolidation de son « top-heel » Matt Taven. Plutôt que de laisser plus de temps à un match triple menace pour le prestigieux championnat Junior IWGP, potentiel match de la soirée, la Ring of Honor a préféré octroyer près d’une demi-heure à une storyline réchauffée. Autrement dit, 15 minutes consacrées à l’intervention d’une célébrité inconnue et à sa confrontation avec Bully Ray, l’un des antagonistes majeurs de la ROH, soutenus par défaut par des fans ennuyeux ; puis 15 minutes pour un Street Fight Match improvisé.

Sans oublier la farce de l’Honor Rumble où le gouffre de niveau et de renom entre les deux compagnies n’avait jamais été aussi béant. Dire que des stars confirmées et acclamées comme Minoru Suzuki et Tomohiro Ishii ont partagé le ring avec des « nobodies » comme Will Ferrara ou Rhett Titus sans avoir le dessus me dépasse. Choisir de donner une victoire surprise à Kenny King, alors absent du match depuis une éternité, au détriment du Great Muta (seule bonne idée du match) et le prochain retraité Jushin Thunder Liger est un clair manque de compréhension des attentes du public présent.

Sans parler des débuts des Beautiful People (des personnages créées par la TNA/Impact Wrestling il y a 12 ans !), bien après le départ de Madison Rayne qui avait pourtant pitché l’idée, ou de la fausse intervention réelle d’Enzo Amore et Big Cass (deux anciens catcheurs que la WWE a rejeté soit par manque de talent soit par manque total de respect envers les autres) en prévision de leurs propres débuts à la Ring of Honor … Rien que pour cette idée lumineuse de la ROH, la NJPW devrait avoir honte de la considérer encore comme son alliée. Dixit Tama Tonga, après la victoire de son équipe pour les championnats par équipe IWGP et ROH à G1 Supercard :

https://twitter.com/judekilgour/status/1115392582471831552

L’alliance ROH-NJPW : Rise & Fall

Les rosters joints de la Ring of Honor et de la NJPW en 2014.
Then …

Après l’AJPW, la Dragon Gate et la Pro-Wrestling NOAH, la Ring of Honor décide, en 2014, de s’associer avec la New-Japan Pro-Wrestling. Pour la promotion américaine, cet accord lui permet de proposer des matches inédits aux dimensions internationales, lui garantissant l’attention et l’argent de fans légèrement désabusés par les départs de stars comme Bryan Danielson (Daniel Bryan), Nigel McGuinness, Tyler Black (Seth Rollins) ou encore El Generico (Sami Zayn, parait-il). Quant à la NJPW, en pleine renaissance au Japon après des années difficiles, cette nouvelle alliance lui donne l’occasion d’entrer sur le marché occidental et donc d’agrandir progressivement sa portée. Le deal initial était simple : rassembler les meilleurs catcheurs américains indépendants et les plus grandes stars du catch japonais pour renforcer la résistance face à l’invincible et hégémonique WWE. Et pendant de nombreuses années, l’union a en effet fait la force pour les deux compagnies. La New-Japan a gagné un nouveau public, lui donnant la possibilité d’organiser ses propres shows sur le territoire américain, et la Ring of Honor, forte de ses gains financiers, a augmenté sa puissance de feu.

Puis, il est arrivé un jour où cette relation ne fut plus aussi saine pour l’une comme pour l’autre. Plutôt de créer continuellement des stars pour compenser la gloutonnerie de la WWE, la ROH a fait le choix de la facilité, appelant sans cesse les stars de la New-Japan à la rescousse. Progressivement, elle est devenue l’ombre d’elle-même en faisant de ses stars, les stars de l’autre, n’attirant les têtes d’affiche que sur la promesse de fructueuses collaborations avec le Japon. Ainsi, quand Kenny Omega, les Young Bucks et Cody Rhodes pour ne nommer qu’eux ont décidé de fonder leur propre vision du catch alternatif ailleurs, la Ring of Honor s’est retrouvé sans ses poules aux œufs d’or. La NJPW, elle, avait encore avec elle assez de poids pour continuer sur sa lancée – Okada, Tanahashi, Naito, Ibushi, tous étaient encore de la partie. La ROH, quant à elle, ne ressemble plus qu’à une coquille vide, forcée de se cantonner aux pires ressorts possibles pour tenter de faire l’actualité. En témoigne sa moitié de G1 Supercard.

Le début de la fin ?

Le champion de la Ring of Honor partageant le ring avec des stars de la NJPW.
… Now…. Forever ?

La New-Japan Pro-Wrestling n’a plus besoin de la Ring of Honor. C’est un fait depuis quelques temps (Strong-Style Evolved, Fighting Spirit Unleashed et Cie le prouvent). Mais, désormais, après ce G1 Supercard malmené (et même, mal produit – il n’y a qu’à regarder l’Honor Rumble pour le constater) par la ROH, la compagnie encore numéro deux mondiale doit s’en séparer si elle veut le rester. La NJPW veut désormais passer au niveau supérieur dans sa conquête du territoire américain, en commençant par l’organisation sur place de l’ouverture de son plus important tournoi estival, G1 Climax.

Sans Kenny Omega et ses amis pour y attirer les fans occidentaux, la NJPW peine pour l’instant à remplir les 20 000 places de l’American Airlines Center de Dallas. La promesse de la voir, encore une fois, s’aider de la talent de la Ring of Honor ne l’aide absolument pas. Et malgré l’historicité d’un tel événement (une première, là aussi), celui-ci est loin de réunir les éléments propices au succès du G1 Supercard (les facteurs historiques, le contexte temporel, la présence de fans internationaux à la recherche d’une expérience unique et donc prêts à consommer, etc). Bien qu’en quête de sa propre indépendance sur le territoire américain, la NJPW doit forcément constater que sa réputation désormais forgée sur le marché occidentale ne suffit pas encore à lui garantir un tel succès. Elle n’a donc d’autre choix que de se trouver un autre partenaire pour l’assister sur le chemin.

L’AEW, qui pourtant convoite aussi cette place de numéro 2 mondial de l’industrie du catch, est la seule option valable possible. La réunion, pour un soir seulement, des Golden Lovers (avec Kota Ibushi, star de la NJPW, et Kenny Omega, nouvelle star de l’AEW) contre les Mega-Powers nippons (Okada et Tanahashi) suffirait, par exemple, à rectifier le tir et à vendre davantage de tickets. Qui plus est, mieux vaut pour elle d’être du côté des gagnants ou, plus explicitement, de la compagnie non seulement en vogue mais sur le point de présenter les seules véritables stars occidentales non-WWE à l’internationale. De plus, il est certain que la New-Japan ne dirait pas non à un peu d’aide pour ses deux soirées consécutives au Tokyo Dome en janvier 2020. Et puis, après tout, ne dit-on pas que l’ennemi de notre ennemi est notre ami ?

Quant à la Ring of Honor délaissée, peut-être qu’une telle rupture lui permettra de se réveiller et de se reprendre en main, de changer de stratégie créative (avec un Delirious aux commandes depuis tant d’années, il est temps) et d’accorder un peu plus d’attention à ses véritables talents ! (Jonathan Gresham, cœur sur toi.)

Réponse

  1. Avatar de Pierrick Ben (The Kid Hbk)
    Pierrick Ben (The Kid Hbk)

    Je te trouve bien dure avec la Ring of Honor. Oui il y a eu des mauvaises choses. Tu les as souligné, le Rumble (mais ce n’était que le pré-show), le Street Fight et le match féminin. Mais tu as eu également du bon. Le squash de Rush sur Castle + son turn était intéressant. Les trois matchs ROH Vs. NJPW ont été bons. Il faut le mettre à leur crédit. J’ai adoré le ladder match bien qu’il ait été un poil trop long. Je suis persuadé que si ce match avait fait le main event de Final Battle il n’y aurait pas eu de critiques. Mais forcément quand tu es entre Naito Vs. Ibushi et Okada Vs. White la comparaison est difficile à soutenir. Le fait de ne pas avoir donné le titre à Scurll se comprend. Il devrait très prochainement partir donc il y a pas spécialement de soucis là-dessus. Et puis Taven est présent depuis longtemps, il mérite sa chance. Je suis plutôt confiant sur son règne. Faut pas oublier également que la ROH a été chargé du bas de la carte, c’est pas une position idéale pour se mettre en valeur et puis le niveau de la NJPW est telle

    Je te rejoins beaucoup plus sur le constat que tu dresses sur la Ring of Honor d’une manière plus générale. Elle a un roster complet, avec un niveau élevé mais elle n’arrive plus à créer des tops main eventer. Faut rajouter à ça le booking. Les rivalités mises en place sont pour la plupart plate. Elle est bien loin l’époque El Generico Vs. Steen. Sur le fait qu’il se repose sur la NJPW, ce n’est pas tout à fait juste pour moi. Finalement il y a peu de stars de la NJPW qui viennent régulièrement à la ROH. Je trouve même qu’il y a un déséquilibre dans les échanges entre les deux fédérations. Après faut aussi rajouter que la plupart des fédérations auraient également été en difficulté après autant de départ. Les Bucks, Page, Cody, Lio Rush, O’Reilly, Fish, Adam Cole, Daniels, Kazarian ça fait quand même beaucoup.

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